Présentation et conseils pour l’animation de l’activité 1 des Cosmographes
L’offre dangereuse
Modalité : Jeu de rôle. Les enfants sont invité·es à proposer à leurs camarades une tablette de chocolat en échange d’un service à rendre lors du débat en groupe-classe (mais sans leur préciser la nature du service).
Prendre conscience des conséquences de ses décisions ainsi que des mécanismes d’emprise et de redevabilité (mise en dette, culpabilisation, pressions de pairs investis dans des activités illégales ou dangereuses).
- Mettre au jour des similitudes entre la situation de jeu et des situations problématiques qui peuvent être rencontrées dans la vie de tous les jours
- Rendre explicite qu’il s’agit d’un jeu de rôle. L’enjeu est de créer une situation qui donnera à réfléchir lors du débat en groupe-classe
- Évidemment, l’activité est cadrée par l’adulte pour qu’elle ne porte préjudice à personne
À l’école, tous les enfants sont en principe des égaux, et ils·elles perçoivent – avec raison – les traitements différents comme une injustice scolaire.
Néanmoins, il peut s’installer au sein-même de l’école des relations inégalitaires entre les élèves. L’une des formes les plus courantes est l’inégalité qui va procéder d’un lien de « redevabilité » : tel enfant se sent redevable vis-à-vis d’un·e camarade parce que celui·celle-ci lui a accordé sa protection, son aide pour être accepté·e dans un groupe ou l’accès à des biens et avantages. Il en résulte une sorte de « dette morale » et celui qui se sent en droit de s’en prévaloir pourra exiger de l’ « endetté·e » qu’il·elle réalise des choses qu’il·elle ne serait pas enclin·e à faire volontairement.
Tous les enfants ne sont pas également exposé·es au risque de manipulation. Des vulnérabilités individuelles qui peuvent pousser à rechercher la protection (apparemment rassurante) d’un groupe et/ou l’immaturité sont des facteurs qui surexposent certains enfants à des manœuvres manipulatoires.
L’objectif de l’activité est d’adresser à ces enfants un message de prudence synthétisé par la « maxime » de Papillagou : « Il vaut toujours mieux prendre le temps de réfléchir avant d’agir, et dans le doute, il vaut mieux s’abstenir ».
Mettre au jour des similitudes entre la situation de jeu et des situations problématiques qui peuvent être rencontrées dans la vie réelle
Ce mécanisme de redevabilité peut créer des situations où un·e enfant pourra se sentir contraint à commettre un délit. Les dealers sollicitent des enfants, notamment pour qu’ils·elles rendent de menus services, comme aller chercher un sandwich ou des cannettes, contre de petites rémunérations (ils gardent, en « cadeau », la monnaie). Ce type de sollicitation permet aux dealers de tester les enfants : après leur avoir fait observer qu’ils ont reçu plusieurs fois des « cadeaux » en menue monnaie, les dealers les informent qu’il serait « normal » qu’ils rendent à leur tour quelques « services », comme par exemple, faire le guet ou faire un « transport » d’un produit d’un point à un autre de la Cité. Créer chez autrui le sentiment qu’il est redevable, qu’il a une sorte de « dette », est un puissant levier de manipulation. D’autres contraintes peuvent être exercées, par exemple, pour « obliger » à participer à une action violente, à commettre un délit ou à accorder des actes sexuels.
Rendre explicite qu’il s’agit d’un jeu de rôle.
Lors de l’activité dite de « L’offre dangereuse », les Cosmographes sont invité·es à proposer à d’autres enfants une tablette de chocolat en échange d’un « service à rendre plus tard », sans préciser la nature de ce service. Durant la seconde partie de la séance, lors du débat face au groupe-classe, le·la meuneur.se de jeu demandera aux Cosmographes quelle est la nature du service à rendre. Ceux-là demanderont, par exemple, que les enfants qui ont accepté leur « offre », leur ramènent, chacun, 10 tablettes de chocolat. Il s’agit d’un « canular », car les enfants n’auront pas à les ramener pour de vrai… mais on ne le leur dira pas immédiatement.
Les Cosmographes doivent être assuré·es que les « victimes » de leur canular ne risquent rien, qu’elles seront quittes pour une « leçon » et, au passage, bénéficiaires d’une tablette de chocolat.
L’accompagnateur·ice de l’équipe doit mettre en garde les enfants sur le fait que l’on ne trompe pas si facilement son monde. La plupart de leurs camarades vont se méfier de leur offre suspecte. Il faut les amener à se demander, qui, parmi leurs camarades, se méfiera le moins ? Certains devraient plus facilement accepter parce qu’ils sont plus « naïfs » et/ou parce qu’ils sont connus pour agir sans trop réfléchir aux conséquences et/ou parce qu’ils seront enclins à faire confiance si c’est un ami qui lui fait une offre.
L’accompagnateur·ice de l’équipe doit aussi les faire réfléchir sur les comportements qui inspirent la méfiance et la confiance (former un groupe autour de l’enfant sollicité·e ou se montrer trop pressant·e peut éveiller sa suspicion tandis que s’adresser à l’un·e, seul·e à seul·e, « comme un·e ami·e », pourra créer un sentiment de confiance ; rigoler nerveusement ou ne pas contrôler son excitation pourra éveiller le soupçon, tandis que prendre l’air grave et paraître compter sur autrui inspirera la confiance, etc.). Ce temps de réflexion permet aux enfants de se « mettre dans le rôle » de l’arnaqueu·r·se et de percevoir qu’il va falloir réaliser une performance d’acteur·ice.
Quand un·e enfant se sent prêt et qu’il a choisi l’enfant à qui il va faire son « offre dangereuse », L’accompagnateur·ice de l’équipe lui donne une barre de chocolat. Il·elle accompagne, à distance et discrètement, l’enfant pour vérifier que l’enfant qui a accepté la barre de chocolat a effectivement formulé une promesse de rendre un service. Si l’enfant échoue à faire accepter son « offre », il faut débriefer avec tout le groupe d’enfant et se demander pourquoi on a échoué (l’enfant sollicité·e est naturellement méfiant·e, avisé·e, ou bien l’enfant qui a fait la proposition n’avait pas l’air crédible pour telle ou telle raison, etc.). Après avoir débriefé, l’accompagnateur·ice de l’équipe donne une barre de chocolat à un·e autre enfant qui se sent prêt pour tenter sa chance.
L’activité est cadrée par l’adulte pour qu’elle ne porte préjudice à personne
Lors du débat en groupe-classe, le·la meuneur.se de jeu, après avoir demandé aux Cosmographes le service attendus – les 10 tablettes de chocolat - se comportera d’abord comme si la situation semblait parfaitement normale. Il·elle s’enquerra auprès des enfants, avec le plus grand sérieux, de la manière dont ils vont s’y prendre pour ramener les 10 tablettes : vont-ils casser leur tirelire pour les acheter ? Vont-ils demander de l’argent à leurs parents pour les acheter ? Souhaitent-ils·elles que des adultes appellent leurs parents afin de leur expliquer pourquoi ils doivent ramener 10 tablettes ? Et s’ils·elles n’ont pas l’argent et ne souhaitent pas que leurs parents soient sollicités, comment feront-ils·elles (car ce serait très grave de voler les 10 tablettes) ?
Puis, il·elle révèlera qu’il s’agit d’un canular et se servira de la situation créée pour expliciter le mécanisme de redevabilité et ouvrir un débat sur la manipulation.
Le Meneur·se de jeu devra s’enquérir du ressenti des enfants et il/elle pourra demander :
- Est-ce que cette situation leur a paru normale (échanger une tablette de chocolat contre un « service » qui consiste à ramener 10 tablettes) ?
- Comment se sont sentis quand ils·elles ont appris qu’on leur demandait ce « service » ? Et quand ils·elles ont appris qu’ils·elles n’auraient pas à rendre ce service ?
- Quand on leur proposait la tablette de chocolat, la situation leur paraissait-elle normale ou douteuse ?
- Si des doutes ont été éprouvés, pourquoi ne se sont-ils·elles pas fié·es à leur intuition ? Ont-ils·elles compris que certaines de nos décisions peuvent avoir des conséquences désagréables ?
- Est-ce que cette situation leur évoque des situations qui pourraient advenir dans la vie « réelle » ?